La piste n’est pas réservée qu’aux motards qui aiment la vitesse, à ceux qui se prennent pour Fabio Quartararo et autres apprentis pilotes. Et non, rouler sur piste n’est pas plus dangereux que sur la route et encore non, cela ne donne pas des mauvaises habitudes. Pour ce papier, j’ai voulu casser les clichés et vous expliquer pourquoi rouler sur un circuit, au moins une fois, quand on vient d’avoir son permis A2, c’est une excellente méthode pour progresser et se mettre en sécurité.
Cela faisait des mois que mon pote Morgan Govignon, me tanne pour que je vienne rouler sur piste avec lui. Momo c’est un pro. C’est le mec qui a roulé plusieurs fois au Tourist Trophy, le mec qui a couru le seul et unique GP du Cameroun, bref un mec avec une sacrée paire de conneries mais une vraie envie de partager sa passion, celle qui le rend heureux. D’ailleurs, je vous invite à découvrir ses aventures sur sa chaine YouTube Momo Circus.
Pas du tout influençable à l’idée de faire une bêtise, j’ai fini par craquer. Sauf qu’il me fallait trouver des gens assez fous pour me prêter une bécane afin de découvrir la piste façon Pierre Richard. « Bah oui pas de problème, tu la veux combien de temps ? ». À l’autre bout du fil, les gens d’Aprilia. On peut toujours compter sur les Italiens.
Me voilà avec ma petite sportive jaune citron, un sac posé à l’arrache sur la selle, le cuir déjà enfilé pour tailler la route jusqu’au circuit du Bourbonnais, au sud de Magny-Cours, bref l’exotisme !
300 km et 300 kg de moustiques plus tard, je débarque au milieu de nulle part pour un weekend mécanique. L’essence est à plus de 2 euros et il parait que les températures ne sont déjà plus de saison. Tant pis, la passion à ses raisons.
En guise de chambre d’hôte, Momo m’a prévu un matelas à l’arrière de sa camionnette, collé à lui, garé dans le paddock. Ça va être romantique et sentir bon l’huile. Mais en vrai, on s’en fou complétement du confort. Ils sont une centaine à être venu rouler tout le weekend. Et je découvre qu’ici faire de la piste, c’est surtout l’occasion d’être entre potes, de rigoler, se détendre, se défouler, sans faire chier personne, si ce n’est les canards d’à côté.
Débuter sur circuit : laissez-moi rouler en paix !

ll colle aux circuits une image négative. Un circuit, c’est certes un temple de la vitesse où l’on vient pousser sa moto et chercher les limites. Mais c’est surtout un environnement bien plus sécurisé que la route. Pas de voiture qui vous arrive en face, des dégagements en cas d’erreur, des règles établies et respectées, et des personnes qui peuvent intervenir en cas de pépin. Vos chance de vous faire mal sont certainement moindre que sur le périphérique parisien à l’heure de pointe. Oui, c’est un exemple un peu extrême. N’empêche.
Les journées sur piste comportent des sessions de 15 à 20 minutes, par niveaux. Les plus rapides roulent entre eux, et les débutants peuvent donc aller à leur rythme sans passer la journée à se faire déposer. La plupart des organisations prévoient un briefing spécifique pour eux, afin de les accompagner : d’abord ce sont les règles de base et découverte de l’environnement. Puis, au fur et à mesure de la journée, les techniques de pilotage sont abordées pour vous aider à progresser avant chaque session : freinage, trajectoire, gestion du corps, etc.
L’idéal est de venir avec sa moto. Vous avez vos habitudes avec elle et cela rendra les choses plus faciles. En plus, vous pourrez apprendre à mieux la connaitre dans ses réactions et ses limites, ce qui sera bénéfique pour plus tard.
Avant de venir, il faudra vérifier auprès de votre assurance si la pratique du circuit est incluse. Pour le reste, il suffit de prendre un pass à la journée sur le site de la FFM (en fonction du circuit où vous roulez) et d’avoir les équipements de base : casque intégral (pas de modulable), combinaison de cuir, gants montants, bottes avec coques et une dorsale. Si vous n’avez pas ces équipements, vous pouvez les louer. Renseignez-vous auprès de l’organisateur qui encadre votre journée. Même chose pour la moto.
Maintenant je vous embarque avec moi, vivre mes débuts sur piste. Je vous préviens, c’est un peu raide au début !
Débuter sur circuit : life on mars ?

Mon coeur est en train de battre des records de palpitation et si je m’écoutais je serai posé sur un chiotte. Ce moment de poésie, c’est l’heure de ma première session qui approche. Je tente de faire bonne figure mais je ne dois pas vraiment y parvenir, « tu te chies dessus j’espère ? », me lâche Momo en se marrant, « moi j’avais tout le temps envie de faire caca au début, et pendant longtemps ! Les premières fois, c’est quand même un truc ». Je pensais qu’il voulait juste se moquer de moi, le journaliste qui n’a jamais fait de piste. Mais sur un circuit, la bienveillance règne en général et surtout ici. Les meilleurs veillent sur les bleus.
Il est temps d’y aller. J’ai enfilé mon cuir blanc et mon casque. On dirait un cosmonaute qui part coloniser la planète Mars. Les premiers tours de roues sur la piste, c’est exactement ça : « C’est quoi cet endroit ! ». Je me sens seul au monde, la petite piste du Bourbonnais me paraît immense. Mon coeur est au rupteur, je sue, je regarde partout, je suis tétanisé, je ne sais plus faire tourner une moto. Je rate même le premier drapeau rouge et me fait engueuler.
10 minutes de pause et deuxième tentative. Je respire, le rythme cardiaque redescend, le dépucelage est en cours. Cette premère session perd peu à peu de sa dimension symbolique. Un petit pas pour le motard, un grand pas pour le A2.
Débuter sur circuit : une histoire de cul

Je vous passe les détails de chaque session qui n’intéressent que moi. Je file directement au moment où Momo débarque sur piste avec sa Kawa pour accompagner les débutants. Première impression : moi le Storm trooper, je me traine la bite quand lui, en Dark Vador, évolue sur un T-Fighter. Il se tape sur les fesses, « suis moi » cela veut dire, ou « sors ton cul ». Je poursuis donc Momo sur un tour et en moins de 2 minutes, je vais faire un bond. Je comprends alors la trajectoire à prendre, cela me permet d’attaquer différemment les virages, donc de mieux bouger, donc de me détendre et donc de sortir mon cul ! La fesse droite découvre le vide, je sens l’air frais passer par là.
Pour prendre un virage à moto, c’est une question de position du corps. Je découvre qu’il faut être presque à côté de la moto, accélérer et laisser les lois de la physique du contre-poids et de l’effet gyroscopique faire le reste. La moto tourne, j’ai le cul dans l’espace, mais tout va bien.
Je prends le temps de vous décrire la bonne position.

D’abord, il faut lever son cul de la selle et sortir une fesse. La cuisse à l’extérieure vient se coller au réservoir et retenir le corps. La jambe à l’intérieur s’ouvre au maximum pour que le genou soit en position pour toucher le bitume. Attention, le pied doit être bien placé pour la manoeuvre. Le haut du corps, collé au réservoir, on cherche à embrasser la main à l’intérieur. Le bras extérieur se colle au réservoir, comme la cuisse, l’autre bras bien cassé pour tirer le corps vers lui. Et hop, c’est parti !
Normalement, en fin de journée, vous avez les jambes qui tremblent, les quadriceps saturés et les adducteurs en feu. C’est que vous avez bien travaillé.
Ensuite, il faut sortir du virage pour attaquer une ligne droite. On se remet sur la moto, le cul le plus en arrière possible et on se planque derrière la bulle quand il y en a une. Ça diminue la résistance à l’air et surtout ça permet de soulager le corps. Oui, même quand on se traine, et surtout si on se traine, il faut le faire, le virage suivant vous remerciera.
Enfin, il y a le freinage. Comme à l’école, on tend les bras et on commence a se positionner pour sortir le cul. Il faut freiner, rétrograder, se positionner, tout en même temps. La fourche va se compresser et la moto va ainsi être prête à tourner sans bouger comme une saucisse. Si vous freinez trop tôt, et remettez les gaz, c’est mort, la moto va mal travailler et vous allez galérer.
Débuter sur piste : une fille en 125 m’a mis la misère

Trois sessions le matin, Trois l’après-midi. Une journée de roulage c’est intense et ça passe vite. Le corps fatigue rapidement et la concentration à du mal à suivre. Au début, les informations sont nombreuses à assimiler. « Vas-y virage par virage. À chaque tour, applique toi sur une partie du circuit », m’explique un Tibo plein de sagesse, un copain venu partager son expérience avec ceux qui roulent. Il faut y aller par étape, de toute façon je ne suis pas armé pour tapper un chrono. Le circuit, c’est un truc de maniaque, d’obsessif. Chaque tour, il faut recommencer et avoir envie d’améliorer, corriger, refaire, reprendre, revenir. Loin d’être un truc de débile de la poignée de gaz, le cerveau travaille et analyse en permanence pour faire mieux le tour suivant et cela devient vite une addiction, si on se prend au jeu. À chaque session, je décide aussi de me concentrer sur un objectif : trajectoire, position, etc.
J’ai un avantage sur mon weekend. Il y a une fille en 125 qui va me mettre la misère. Valéryane, c’est le genre de nana qui vit sur une moto et qui fait du rallye-routier. Ça donne une scène improbable, le petit moustique en 125 qui poursuit le grand dadais sur-armé en Aprilia RS660. Le circuit n’a qu’une seule ligne droite, ma seule chance pour la semer. On décide d’inverser les rôles pour que j’observe ses trajectoires. Val’ doit être ultra propre dans ses traj’, pas le choix pour elle, sans puissance c’est sa seule arme. Le Bourbonnais est un circuit très sinueux droite-gauche-droite-gauche-droite-gauche… j’ai vite envie de vomir. Et surtout, le premier virage conditionne tout l’enchaînement alors il ne faut pas se rater.

Momo et son équipe du MC Fleur de Lys ont foutu trois plots dans chaque virage. Freinage, point de corde, sortie. « Tu vises le point de corde, puis tu regardes tout de suite la sortie là bas, la moto va t’y emmener ». Ce putain de regard conditionne tout. J’arrête de regarder le bout de ma roue, seul moyen pour survivre aux virages. En portant le regard où il faut, l’attitude va suivre.
Au fil du weekend, Valéryane n’arrive plus à me distancer. Et je n’ai plus besoin de bourriner sur la ligne droite pour revenir. On décide d’échanger les positions à chaque tour, j’apprends à mener et elle me poursuit, puis je poursuis le lièvre qui tente de s’échapper, souvent avec succès. Je suis pourtant bien aidé par mon Aprilia qui est facile et surtout redoutable même avec un touriste au guidon. On finit par se tirer la bourre pour de bon et l’objectif devient de remporter le TT sur le weekend : le trophée des touristes !
Je n’ai pas remporté le TT, je n’ai d’ailleurs pas posé le genou ce weekend là. Mais ce n’était pas l’objectif. J’étais venu en explorateur pour établir un premier contact avec des aliens. Je me suis fait des potes, j’ai vécu comme un gitan et j’ai passé un super weekend.
Débuter sur circuit : le genou, zone érogène

Ah, cette histoire de genou ! Ce mythe qui rend fou les motards, cette obsession fétichiste pour frotter leur partie de l’anatomie sur le bitume. Mais pourquoi le genou est-il aussi important ?
Poser le genou ne fait pas de vous un motard qui va vite. Non, poser le genou c’est un marqueur qui vous permet de comprendre si vous êtes en sécurité sur la moto. Ça vous étonne ?
Pour aller vite, la moto doit garder un maximum de surface du pneu en contact avec le bitume, donc plutôt rester droite car sur l’angle, le grip s’affine. Premier cliché qui vol en éclat : poser le genou n’aide pas à mettre de l’angle.
Cette technique n’est que l’aboutissement de la position sur la moto que nous avons vu plus haut. Car c’est sortir son corps, qui permet de faire contre-poids avec la vitesse pour faire tourner la moto. Plus vous sortez le cul et abaissez le centre de gravité, plus vous pourrez mettre de la vitesse de passage en virage sans faire tomber la moto. Ayant beaucoup dormi en classe de physique au lycée, je ne vais pas rentrer dans les détails.
Une fois sur l’angle, vous tendez la jambe pour comprendre où vous en êtes. Le genou vient lécher le bitume, cela ne sert pas d’appuie pour tourner, mais c’est un signal : vous êtes sur l’angle maximal que vous devez prendre sur la moto. À partir de là, il faudra redresser. Généralement, cela vous indique le point de corde. Encore faut-il avoir soigné sa trajectoire.
Enfin, dernière précision : sur route, les « road racers » sortent beaucoup moins le corps et posent moins souvent le genou, pour rester réactif dans un environnement changeant où chaque virage s’improvise. Vous devez pouvoir changer votre trajectoire et donc votre position rapidement. Si vous êtes genou parterre en plein virage et que celui ci ne s’annonce pas comme prévu, ou qu’une voiture arrive en face, vous ne pourrez plus faire grand chose.
Le weekend touche à sa fin, j’ai posé le genou une fois. C’était involontaire, et plus dû à la moto sur l’angle qui a failli décrocher parce que je n’ai pas levé mon cul de la selle. Je me suis pris au jeu. L’objectif est de frotter ce putain de genou pour la fin du A2.
Débuter sur circuit : le must pour la passerelle !

Ça tombe bien, deux mois plus tard, me revoilà sur piste. Et là c’est déjà mieux non ?
Pour cette deuxième session piste, je suis venu passer ma passerelle pour sortir du A2. Et ça, c’est la classe ! Une idée à Rémy et à son école 100% conduite dont l’objectif, dès le plateau, c’est de poser les bonnes bases à moto. Gestion de ton corps, gestion de la moto, etc. 2 ans plus tard, Rémy ne lâche pas le morceau et décide que la passerelle ne devrait pas être une escroquerie mais un vrai moment de pédagogie ludique. Alors, naturellement pour ce pistard, il embarque ses élèves volontaires sur le circuit de Carole. Pour lui, c’est plus de boulot mais aussi plus de plaisir. Nous accompagne deux élèves en Honda CB500F, elles ne sont pas là pour jouer aux pilotes, mais gagner en confiance et mieux appréhender la moto. Le vrai objectif de cette passerelle.
Moi, je suis un idiot et je suis là pour ce putain de genou. Ce que j’ai appris avec Momo et mon Aprilia, je vais le mettre en application aujourd’hui. Et plus d’excuses cette fois, « En plus t’as intérêt à poser le genou pour la première fois avec moi », me lâche Rémy, très sérieux sur ce point. Ok, pas de pression !
Pour l’occasion il me prête une BMW F900R en full, de l’école. Un roadster et des pneus routes, est-ce bien sage ? « A ton niveau ? Oui, faut juste prendre le temps de faire chauffer tes pneus sur 2 tours », m’explique Rémy. Il a fait venir Julien Lopez qui pilote comme lui en European Superbike et qui va l’aider à analyser et faire progresser le groupe. La journée confirme que les débutants sur circuit sont toujours bien encadrés, briefés, chouchoutés et mis en sécurité.
Moi, je n’ai pas beaucoup dormi la veille, excité et un peu stressé. Juste avant de partir pour la première session, j’ai le coeur qui se chie dessus et l’estomac qui bat fort. Ou l’inverse.

Je débarque sur la piste, sage. Mais déjà, je me vois sortir le cul pour préparer mes virages. La répétition du travail au Bourbonnais est ancrée dans mon cerveau. J’enchaine les tours, j’ai la bonne position, la bonne trajectoire, je me sens plus à l’aise et j’ai comme un déclic. Il ne me manque pas grand chose. « Va pas falloir mettre plus d’angle ! », me lâche Julien, le pilote qui nous encadre, « t’es déjà à la limite et là c’est sûr, faut que tu poses le genou, surtout que tu es grand ! ». Si cette fois, je sors le cul comme il se doit, je n’écarte pas assez la jambe. À 35 ans je plaide pour une crise d’artrite précoce. Mais le travail est bien dégrossi, Rémy et Julien analysent avec moi, on prend donc le temps de peaufiner les trajectoires à Carole.
Et puis j’en ai marre, je finis par caricaturer le mouvement pour écarter la jambe, je tire sur mes aducteurs et une session plus tard, touchdown ! Le genou est posé une première fois, l’acte fondateur est accompli, je suis libéré ! Je vais gouter à cette douce sensation de flirter avec le bitume. Je n’ai plus peur, j’ai confiance et envie. GPS : le goût, le plaisir, la saveur ! Les sessions vont s’enchainer. Au début je compte les fois où je lèche le bitume. Très vite j’abandonne, cela devient régulier et je me concentre alors sur le pilotage. À la fin de la journée, c’est devenu un automatisme, je suis crevé mais j’ai réussi. Putain de genou !

Conclusion : faire de la piste, c’est bien
Sans être devenu un pistard endurci, je suis devenu un meilleur motocycliste. Parce que je vais plus vite ? Non, parce que je serai désormais moins fainéant sur ma moto. J’ai fini par comprendre qu’il faut bouger, adapter sa position, travailler sur la moto. Ce n’est pas une voiture où l’on est calé au fond du siège. La moto, c’est physique dans le sens où il faut la guider et que cela demande d’utiliser les appuis sur les reposes-pied, le contre-braquage, le regard, la position du corps.
À défaut de rouler plus vite, je vais avoir plus de marges de manoeuvre et comprendre les conséquences de mes actions. Et puis, après une journée circuit, tu n’as plus vraiment l’énergie pour rouler comme un fou sur la route.
Surtout, c’était une belle manière de terminer ma période de A2. Je vous donne rendez-vous de l’autre côté de la passerelle ! Mais ne vous inquiétez pas, je continue à faire grandir A2Riders.
Et s’il vous reste du temps de cerveau disponible, (re)lisez l’essai de l’Aprilia RS660 sur route. J’en reparlerai sur piste …
Pour terminer, je vais faire de la pub aux copains pour les remercier de leur patience à mon égard :
Donc merci au Motoclub Fleur de Lys, des mecs et des filles qui collent des licornes bites sur les casques, mais qui se font chier avec amour pour organiser des roulages.
Et merci à 100% Conduite et Rémy Vasseur à Meudon, de ne pas être une moto-école comme les autres.
Équipements de Julien (1,82 m – 80 kg)
- Casque : HJC F70
- Combinaison : Spidi Race Warrior Touring
- Moto : Aprilia RS660
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