Royal Enfield a rencontré un succès étonnant avec son Himalayan. Un trail différent des autres, à l’esprit zen, qui sent bon la décroissance et le retour aux motos simples. Alors, les Indiens ont décidé de capitaliser sur cette plateforme en sortant une nouvelle déclinaison : la Scram. Mais est-ce que le spin-off est au niveau de l’original ?
Pour répondre à cette question, j’ai décidé de partir à l’aventure, dans les traces de Ted Simon. Au petit matin, j’ai donc fui la capitale, direction le monde. Oh, je ne suis pas allé très loin. Le monocylindre de 24,5 ch m’a porté jusqu’en vallée de Chevreuse. Mais perdu au milieu des colzas en fleurs, sillonnant les routes, me perdant dans les chemins entre les champs, le citadin que je suis avait déjà un avant-goût de bout du monde. Et la petite campagne des Yvelines, était à taille idéale pour ma balade en Scram.
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Royal Enfield Scram 411 : du trail au scrambler

Avant de rouler, il faut adresser une question importante : qu’est-ce qui change par rapport à l’Himalayan ?
Surtout sa gueule. Mais je vais développer.
So long, les crash-bars et la bulle, ce qui explique la différence de poids. Hello, les codes néo-rétro scrambler : une nouvelle selle en une seule pièce, un phare légèrement caréné pour lui donner un look moderne et les petits déflecteurs sur les côtés du réservoir qui font office de protection.
Surtout, un nouveau compte-tour aiguille qui ne compte pas les tours/min, mais affiche la vitesse. Spoiler : ne vous fiez pas au “160 km/h” affiché, vous n’y arriverez jamais. Il est bien plus lisible que sur l’Himalayan, avec un petit écran LCD intégré pour donner les informations de base : rapport engagé, jauge essence, odomètre, trips. À côté, on retrouve le désormais incontournable « tripper » de Royal Enfield, qui propose une navigation GPS à affichage simplifié (des flèches), qui se connecte avec l’appli sur votre téléphone. Putain de modernité. Heureusement, avec l’ABS et l’injection, c’est la seule.

Enfin, vous ajoutez à cela un peu de couleur, mais pas trop quand même, et vous obtenez la Scram. « Ils ne se sont pas foulé à Chennai ! » mais l’Himalayan était déjà minimaliste et il n’y avait pas beaucoup de marge de manœuvre, sans refaire une moto de zéro.
Pourtant, ces petites retouches semblent déjà suffisantes pour créer une ambiance différente et obtenir un look réussi. Pour 4 999 euros, la finition est convaincante et on ne regrette que l’absence d’un phare avant à LED plus performant, pour bien voir et bien être vu la nuit.
Royal Enfield Scram 411 : Redescendre l’Himalayan en ville

Le tour de mon monde commence par une exfiltration de la ville. Pour moi, cela ressemble à une aventure d’Indiana Jones. Le héros doit passer une à une les épreuves mortelles qui le mènent à la salle du trésor.
Le marketing Royal Enfield me l’a bombardé dans les oreilles, la Scram c’est une version urbaine de l’Himalayan. La roue avant est passée de 21 à 19 pouces, pour plus d’agilité, le débattement de suspension a perdu 10 mm passant à 190mm, de ce fait la hauteur de selle culmine désormais à 785m (au lieu de 800) et le poids est redescendu de 199 kg à 185kg (à sec). Oui, tout cela est minime pour transformer la baroudeuse des champs en baroudeuse des villes.
Embouteillages, camions-poubelles, piétons qui traversent, dos d’ânes, le Scram est un allié fiable en milieu urbain hostile, il ne s’énerve jamais et ne créé jamais de difficulté. La position de conduite droite, le grand guidon et la position des pieds, vous sembleront naturels, même au lendemain de l’examen du permis. Le Scram est plus accessible pour les petits gabarits, la moto est fine entre les jambes et le poids est moins haut perché, ce qui est rassurant pour manœuvrer à l’arrêt. En tant que grand, je ne suis pas non plus recroquevillé dessus et de l’extérieur je ne ressemble pas à un ado attardé qui refuse de grandir sur un Piwi.
L’allure de la moto me donne la sensation d’être un Steve McQueen des temps modernes. Le king of cool hante toujours l’esprit scrambler. Alors pour honorer l’esprit du grand Steve, j’évite d’insulter les gens autour de moi, et je reste digne derrière mes Persol fatiguées.

Je surfe plus que je ne roule, la moto est vraiment douce et facile à conduire. La roue de 19 pouces rend effectivement la moto plus réactive pour la ville, plus facile pour se fondre dans la circulation et son grand rayon de braquage permet de faire demi-tour sans inquiétude.
Les commandes sont douces, et si l’embrayage est un peu dur sur ma moto toute neuve, il est toujours facile à doser et je n’ai pas calé une seule fois. La boite de vitesse est précise et ne m’a jamais piégée avec un faux point mort.
La petite cylindrée et les 24,5 ch font que l’accélération ne va jamais submerger son pilote, même s’il ouvre en grand. Parfait pour garder ses points de permis, ou pour éviter le péché d’optimisme des débuts quand la route est mouillée ou sale. Le monocylindre longue course est souple à bas-régime, c’est-à-dire qu’il ne va pas tousser et menacer de caler si vous êtes trop bas dans les tours ou sur un rapport trop haut, en 3e ou 4e vitesse. Il manque un peu de punch pour une conduite plus nerveuse. Alors, il faut rouler malin, lire la route, à l’ancienne, un peu comme sur une Bullet 500.
Malin, il faudra l’être au freinage et surtout anticiper les obstacles. Le simple disque avant de 300 mm et étriers flottant 2 pistons, colle à l’esprit détendu de la moto, mais il est un peu faible et manque de mordant s’il faut le solliciter fort. Heureusement, l’arrière est bien présent et correspond à une conduite urbaine.
Au loin, je vois la lumière, la sortie de la ville est proche ! Je me prépare à m’élancer sur la voie rapide, mais c’est le dernier piège tendu, celui avec les squelettes plantés au bout des pics Indiana ! Dans un rebondissement digne de Spielberg, l’aventure doit prendre un chemin détourné.
Royal Enfield Scram 411 : la vie sans la vitesse

Pourquoi ai-je renoncé à prendre le chemin le plus rapide ? Parce que ce n’est pas l’aventure en Scram ! La petite Royal Enfield est équipée du même monocylindre longue course de 411 cm3 que l’Himalayan, sans aucun changement. Un moteur qui développe 24,5 ch à 6 500tr/min. Avec une vitesse maximum digne d’une 125 cm³ puisqu’elle peine à dépasser les 120 km/h. J’ai donc décidé d’éviter la N118, une voie rapide qui grimpe fort quand elle fuit Paris. Non pas que ma petite Royal Enfield ne pourrait pas le faire, mais je me sentirai plus serein en restant loin de ces zones sur lesquelles la vitesse prédomine et où les dépassements seraient trop ardus pour être confortables.
Ma balade prend donc une route que n’aurait pas renié Ted Simon lors de son tour du monde dans les années 70. Je découvre les petites villes cachées de banlieue qui mènent à la campagne, et déjà, de force, l’aventure me porte vers l’inconnu.
Ce monocylindre paraitra « mou » pour beaucoup, surtout ceux qui sont habitués à mettre des coups de gaz à la moindre occasion. Je reconnais que ce n’est clairement pas un foudre de guerre. Sur l’Himalayan, j’avais parlé à l’époque de ma balade dans les Alpes, de zen master. C’est un peu pareil sur la version scrambler, vous n’êtes pas là pour rouler vite, juste pour rouler. Oui, Royal Enfield a encore produit un traîne couillon et a donc respecté son ADN.
Peu importe, je redécouvre ce moteur et son état d’esprit. L’ambiance sonore est là, les vibrations du mono sont agréables, pas trop présentes et ne donnent pas des fourmis dans les mains. Ce moteur aime rouler à mi-régime, vers 3-4 000tr/min, il produit alors un doux ronronnement qui, tel un mantra, vient vous détendre et faire accepter la coolitude nécessaire à sa conduite. Zen petit parisien !
Royal Enfield Scram 411 : scrambler légitime ?

J’ai arrêté de regarder le temps. Me voilà enfin dans l’exotisme de la campagne francilienne. Loin du gris, le printemps exalte les couleurs de la Chevreuse : bleu du ciel, vert des arbres, jaunes des champs, c’est bien, je ne suis pas daltonien.
À défaut de vitesse, je me perds dans mes rêveries. Je repense aux récits de Rudyard Kipling et je coupe à travers champs pour exalter mon esprit aventurier, et me réveiller. Je suis un peu grand pour la position debout et le guidon est un peu loin. Mais sous moi la moto semble légère, elle avale gentiment les chemins, les 32 Nm de couple tractent la moto dans la terre, en douceur, sans jamais rechigner. Les pneus mixtes CEAT fonctionnent bien. En même temps, j’ai fait 500 m dans de la terre sèche et sur le plat.
Je m’enfonce dans un petit bois, pense à Mowgli, au livre de la Jungle de Kipling et puis ma culture intello cède face aux chansons de Disney : « il en faut peu pour être heureux ». Pas d’électronique, de modes de conduite, d’assistances, pas de trail surarmé. Juste moi, un ABS qui ne se déconnecte pas et une petite machine à taille humaine. Les suspensions travaillent sans trop forcer sur les petites bosses du chemin. Mais je dois rester prudent, malgré le sabot moteur, la garde au sol reste limitée, et j’ai repéré que la biellette de suspension est exposée et peut facilement venir taper un caillou par excès d’optimisme. Observateur le journaliste, n’est-ce pas ?

De toute façon, je sors du bois et me retrouve dans une clairière, l’endroit idéal pour faire une pause. Dans mon sac de hipster, j’avais prévu mon casse-croûte. Sandwich parisien jambon beurre. Vous voilà rassuré, je n’ai pas cédé au vegan …
Je l’aime bien ce Scram puisqu’il prend le monde à contre-pied. Plus néo que vraiment rétro, pas vraiment trail, pas vraiment roadster, ni vraiment scrambler d’ailleurs. Dans les années 60, un scrambler c’était une routière que des motards hippies en mal de nature préparaient sommairement pour répondre à l’appel de la forêt. Les prémices du motocross et du trail. Le Scram fait un peu le chemin inverse, il part d’un trail fait pour l’évasion et vient le rendre à la ville. Mais il reste un hippie pour faire la route, pas la guerre.
J’aimerais vous dire que j’ai médité pendant cette pause ou que j’ai lu une nouvelle de « L’homme qui voulut être roi », mais en réalité j’ai scrollé comme un veau sur Instagram, en regardant mes aventuriers préférés vivre leur plus belle vie. Je me suis mis à rêver d’un road trip au long cours en Scram, au moins jusque dans le Perche. Et puis j’ai fini par piquer du nez.
Royal Enfield Scram 411 : Easy life, easy ride

Le temps, que j’ai arrêté de surveiller, file malgré moi. Je remonte en selle, car je veux explorer le monde ! Je retourne sur le noir de la route pour conquérir la Chevreuse. Le terrain de jeu semble immense en Scram, et je n’en vois pas le bout. Tant mieux, je n’ai aucune envie de faire des heures d’autoroute pour rentrer ce soir.
Avec l’envie d’apprendre à connaitre mon destrier, je pousse un peu la petite indienne, lui propose d’attaquer dans les quelques enchainements de tournants que je trouve. Comme prévu, le Scram réagit bien, s’avère sympathique et joueur. La moto est saine, ne créée par de mauvaise surprise. Je me retrouve à passer à « haute vitesse » dans les virages, ce qui correspond finalement à la limite réglementaire, la moto bouge un peu avec ses suspensions à grand débattement un peu molles, mais cela ne perturbe pas la tenue de route. Disons que cela rend la moto vivante.

Les pneus trouvent bien le grip sur le sec. Les CEAT ne remontent pas beaucoup d’information, surtout avec cette suspension avant, mais semblent adhérer comme il se doit. Il faudra tester sur mouillé. Dommage, pour une fois en Île-de-France, il fait grand beau.
Au freinage, toujours ce charisme un peu absent, mais vue l’allure, pas vraiment besoin de plus. Et puis j’ai fini par oublier ma petite puissance de 24,5 ch, je prends le temps de savourer ma balade en me trainant. Au moins je ne me fais pas peur et les gendarmes ne s’inquiètent pas trop quand ils me voient.
Le soleil disparait discrètement derrières les arbres, l’air se refroidit vite en cette saison. Et si je n’ai que quelques kilomètres à faire pour rentrer, la route sera longue. Je me rends compte qu’avec ma consommation de 3 L/100 km et mon réservoir de 15 L, je n’ai pas pensé une seule fois à remettre de l’essence. L’idée me fait retomber à nouveau dans mes pensées, je repars en voyage au bout du monde, prêt à écrire mon propre Jupiter’s Travel, comme Ted Simon, mais avec le Scram. Pourtant, j’hésite : dois-je m’acheter une veste de pilote de la seconde guerre mondiale pour avoir chaud et coller au look de mon Scrambler ? Et si oui, dois-je me laisser pousser la moustache ? Non, il semble que la mode du hipster soit doucement passée. Mais du coup, ce Scram est-il pertinent ?
Royal Enfield Scram 411 : conclusion

Royal Enfield nous font-ils passer une Himalayan naked pour une nouvelle moto ? De l’aveu des représentants de la marque, cette variante doit juste venir étoffer les ventes du petit trail, sans autres prétentions.
Mais le Scram a sa propre identité et son propre caractère. Un peu plus jeune et « sexy » que le trail. Il corrige même certains défauts de sa devancière, comme le compte-tours plus lisible et un centre de gravité un peu plus bas, donc plus facile à appréhender.
Le petit Scram est doux à prendre en main, il sera un allié idéal pour débuter, rouler au quotidien, vivre en ville et partir pour des petites aventures du weekend. Celui qui cherche un état d’esprit plus qu’une moto performante, trouvera son bonheur ici.
Mais son moteur manque un peu de punch à mon goût, alors que cela collait bien avec l’Himalayan, je me suis retrouvé un peu frustré à certains moments sur le Scram. Un scrambler mérite d’être un peu plus casse-cou ! Sauf qu’à rajouter plus de puissance, c’est le reste de la moto qui trouverait vite ses limites. Finalement, Royal Enfield joue sur un équilibre bouddhiste : « si tu tends trop la corde, elle casse, si tu ne la tends pas assez, elle sonne faux », avait appris Siddhartha du vieux maître de musique.
À 4 999 euros, Royal Enfield propose une moto neuve, bien assemblée, qui en donnera pour son argent aux petits budgets qui ne veulent pas renoncer au style pour une moto qu’ils utiliseront au quotidien. Le Scram n’a pas de réelle concurrence à ce tarif, si ce n’est à regarder du côté des marques exotiques chinoises.
Si ce scrambler arrive tard chez Royal Enfield, on a déjà envie de plus. Oui, on veut un Scram et une Himalayan avec un moteur twin ! Allez, le weekend prochain, road trip en Inde pour convaincre les dirigeants de Royal Enfield
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J’ai aimé :
- Sa facilité
- Son monocylindre souple
- Son état d’esprit général
- Son look sympa et bien fait
- Le prix
J’ai moins aimé :
- Le freinage qui manque de présence
- Un moteur qui manque de punch ! Trop limité pour l’autoroute, donc pour mon quotidien, dommage…
- Le phare avant qui aurait pu être LED
Equipements de Julien (1,82 m – 80 kg)
- Casque : HJC C80 Bult
- Blouson : Spidi Metromover
- Gants : Vanucci VAG1
- Chaussures : Vanucci VTS 2
Tiens donc ! Voilà le Voob Biker Boy qui, ne pouvant atteindre son nirvana pour le moment, et tel un certain Kurt Cobain et son Come As You Are avec son fameux riff envoûtant, nous arrive tel qu’il est avec son Dumbo ronronnant du royaume de Shiva, cornac de plus en plus assuré dirigeant sa docile petite monture confiée par Hannibal… génial tacticien carthaginois ou bien effrayant psychiatre du Dragon Rouge de Thomas Harris, ça sera selon !
Mais tout Voob qu’il est, longer les redoutables et terrifiants sommets encore enneigés s’étendant de l’Indus au Brahmapoutre se révélant encore un exercice trop périlleux, ces fameuses Racines du Ciel à la Romain Gary – désobéissance caractérisée à son général préalablement enivré par sa jadis téméraire transalpine ou encore soucis exacerbé pour la protection des espèces de sa monture tel que le raconte ce controversé Goncourt 56 – il choisit la raison et la sagesse pour aller plutôt sillonner les jolies petites routes forestières d’un plat pays qui aurait pu être celui de Brel ; et témérité aidant et expérience de Voob non aidante, il ira s’aventurer dans les sillons encore détrempés des chemins de traverse à la betterave, la patate ou encore le navet – et finira par s’y embourber… logique à la Isaac Newton ou bien à la Bertrand Russell ? Ou bien folie à la Lecter ?
Voob, navet… cela peut se comprendre ! On apprend souvent par l’erreur.
Vous l’aurez probablement compris, Dumbo n’est pas le Colonel Hathi de Kipling capable de se lancer par tous les monts et par tous les vaux dans une glorieuse Charge Héroïque à la John Ford au pas cadencé d’un riff endiablé à la feu Eddie Van Halen; mais on peut compter sur lui pour vous faire transporter et vous bercer délicatement sur un tapis volant ondulant au rythme envoûtant de la flûte du fakir du Tamil Nadu.
JFA
Toujours un délice de vous lire, éminent Jaffy. Citer Romain Gary et ses Racines du ciel pour parler moto, prouve que le motard peut avoir le casque bien rempli. À quand une petite chronique sur A2Riders.com : ” Ride the books” ?
N.B. : Attention au terme Voob, fort à propos je vous l’accorde, mais on va finir par en voir le boob.