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    Test Kawasaki Z650RS : fausse néo-rétro ?

    Quatre ans. Il aura fallu attendre quatre ans avant que la Z900RS ne trouve un équivalent en 650 cm³. Pendant ce temps, la mode du néo-rétro battait son plein. Et puis Kawasaki a fini par sortir une Z650 version RS. La moto que tous les A2 attendaient. Mais n’est-il pas déjà trop tard pour la savourer ?

    Kawasaki Z650 : de la B1 de 1977 à la A2 de 2022

    ©A2 Riders—Kawasaki

    Elle en jette non ? Ce réservoir goutte d’eau avec son vert Kawa et ses liserés. Ces jantes dorées du plus bel effet, ce beau phare à LED rond comme il se doit, cette grande selle large et moelleuse, et puis cette petite queue de canard à l’arrière ! L’hommage à la Z650 B1 de 1977 est réussi et l’on retrouve l’allure élégante des motos des seventies.

    La Z650RS n’est pas un roadster “sugomi” qui aurait enfilé un costume vintage avec un col pelle à tarte, mais une moto dont le design nous rappelle que le bon goût est intemporel, surtout quand il s’agit de faire dans la simplicité. Et tant pis si la mode du hipster est en train de s’essouffler.

    Sur cette petite Kawa, il n’y a bien que son moteur qui trahisse sa modernité. Enfin, modernité toute relative, car celui-ci est présent depuis le début des années 2000 sur les ER-6 et doucement affiné avec le temps. Ce bicylindre parallèle est increvable, inusable, sympathique, mais franchement pas très sexy à regarder. Je dis sexy, parce qu’un moteur dans une néo-rétro se doit d’avoir un pouvoir d’attraction pour susciter le désir, celui de démarrer la moto. Pensez aux cylindres en V de la Moto Guzzi V7 ou la rondeur du carter du moteur Royal Enfield. Ces motos éveillent les sens et cela commence toujours par celui de la vue. Ici, c’est presque une faute de goût qui trahit la réalité : c’est une Z650 relookée.

    Z650RS, une tromperie vintage ?

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    Pourtant, Kawasaki sait faire du vrai classique, avec le couple conique de la W800. Ici, ce bicylindre parallèle, vulgairement peint en noir, manque d’allure et de chrome. Mais vous avez raison je suis superficiel. D’ailleurs, la Z version RS va me le rappeler un peu plus tard. Il manque aussi un échappement long sur le côté de la moto plutôt que ce truc moderne par-dessous. Mais cela serait politiquement incorrect, voir ostentatoire par les temps qui courent. 

    Et pourquoi pas aussi un châssis moins pragmatique et plus nostalgique. Un cadre treillis ? Non. Un double berceau ? Oui. Comme sur la Z650 B1 de 1977. Mais il faut arrêter de fantasmer, car il ne s’agit pas d’archéologie motorisée, il faut poser son regard différemment. La 2022 est très proche de son aïeul en réalité. Un cadre tubulaire pour les deux, même puissance à un cheval près, même couple moteur, 5,8 mkg à 7000 tr/min pour l’ancienne contre 6,5mkg à 6700 tr/min pour la moderne. L’esprit est là.

    Les plus pointus argueront que la B1 était un 4-cylindres et la 2022 un bicylindre. Oui, mais ces motos ont la même idée derrière la tête : être une petite moto, avec un moteur moins gourmand en essence. À l’époque, on parlait de choc pétrolier, aujourd’hui on parle de crise énergétique, mais le résultat est le même : les prix crament comme on torche le gaz des puits de pétrole. 

    La nouvelle Z est même plus petite que la Kawasaki de 1977 qui était une moto large, avec une grande roue à l’avant. La nouvelle RS est comme la version roadster, une moto fine et compacte. Et de toute façon, peu importe que la moto soit différente, c’était il y a 50 ans. C’est même plutôt rassurant, la Z650RS ne garde que le meilleur de cette époque : le style. Et nous on récupère les avancées techniques. Et un moteur d’ER-6 qui a 15 ans…

    Je salivais devant la Z900RS qui possédait ce style rétro, mais qui m’était interdite, me voilà ravi de prendre le guidon de sa petite sœur A2. Alors let’s ride !

    Pas juste de la nostalgie

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    Vous y êtes. Sur la machine, ça respire la moto d’avant, celle de la simplicité : une grande selle, un grand guidon et un double compteur rond. La belle dalle TFT du roadster n’avait pas sa place ici. Le retour des aiguilles est accueilli avec joie. Ce sont les mêmes compteurs en obus que la Z900RS. Le petit cerclage chromé est du plus bel effet pour la coquetterie, tant que l’on ignore les matériaux plastiques. 

    L’ensemble est lisible, bien placé sous les yeux et secondé par un écran LCD au milieu qui vient rappeler qu’en 2022 on a droit à des informations utiles grâce au tableau de bord : rapport engagé, consommation, niveau d’essence, etc. Il y a même un commodo au guidon pour naviguer dans le menu, que n’a pas le roadster version Sugomi. 

    Par rapport au roadster justement, vous découvrez une ergonomie décontractée façon scrambler. Le guidon est un peu plus large, plus haut de 50 mm et plus rapproché de 30 mm, ce qui donne une position naturelle, dos droit et à la cool, ce qui sera plus agréable pour les grands. Personnellement, je me suis senti moins crapaud et j’ai un faible pour cette position. 

    Les petits gabarits y perdent dans la bataille. La moto est un peu plus haute au niveau de l’accessibilité. Si le débattement et la garde au sol restent quasiment similaires, sur la RS la selle culmine à 820 mm de hauteur et est un peu plus large. Malgré tout, elle reste une moto fine qui permet de poser les pieds au sol sans problème. Le guidon rapproché aidera pour les petits bras et les 2 leviers (frein/embrayage) réglables s’adapteront à toutes les mains.

    La Z650 n’a pas pris de poids en devenant RS. 187 kg tous pleins faits, ce qui annonce une moto toujours aussi agile à conduire.

    RS pour Riding Spirit ?

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    Maintenant, il est temps de rouler. La Z650RS est très similaire au roadster qui lui sert de base. Vous pourrez donc relire le papier sur l’essai de la Z650 pour y trouver plus de détails. 

    On retrouve les mêmes qualités : une moto légère et compacte, facile à prendre en mains et qui devient vite joueuse si on la pousse dans les virages. 

    La moto est réactive et on s’amuse à passer d’un virage à l’autre, en appuyant sur les reposes-pieds, mais sans jamais forcer le mouvement. Le châssis est sain, il ne se tortille pas dans tous les sens et la moto met en confiance quand on met du rythme. Pas vraiment un héritage des 70s, certains diront. Les suspensions travaillent bien pour absorber les aspérités de la route, la liaison au sol se fait bien et elle tient sa trajectoire. La fourche avant est toujours un peu trop molle à mon goût, mais étonnamment avec cette position scrambler, elle est moins choquante et colle plus à l’esprit de la moto.

    Théoriquement, une néo-rétro est faite pour rouler à la cool. Mais avec celle-ci, on ne peut s’empêcher de jouer au sale gosse. On prend de l’angle, on place des coups de gaz, on freine tard grâce au gros double-disque de 300 mm, qui offre un bon mordant. C’est sûrement pour cela que j’ai l’impression de maltraiter ces suspensions.

    La position de conduite procure pas mal de sensations, le guidon large donne envie de jouer sur le contre-braquage et s’avère parfait pour les épingles. Je me suis retrouvé à prendre de la vitesse, et même à me pencher un peu sur le réservoir pour mieux résister au vent qui me donne l’impression de rouler à tombeau ouvert, mais 100 km/h moins vite.

    Mince ! Voilà une néo-rétro qui accepte le pilotage sportif. Là où la W800 est une moto à la cool qui fait du surf en longboard, la Z650RS c’est un skate qui veut « grinder » et acceptera un rythme soutenu. 

    Il faut juste faire attention aux pneus Dunlop, ils sont très longs à monter en température et surtout ils refroidissent très vite. Ils n’offrent pas une super remontée d’information. Si dans la vie de tous les jours ils ne seront pas gênants, il sera préférable de les changer si vous avez encore un peu de budget, notamment pour ceux qui roulent souvent sous la pluie. C’est dommage que Kawasaki ne soit pas plus exigeant là-dessus, quand on voit que la concurrente anglaise Trident 660 est équipée de bons Michelin Road 5. 

    Moche, mais pas méchant

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    Il est temps de refaire un topo sur le moteur, un bicylindre parallèle calé à 180°. Pas très sexy encore une fois, mais polyvalent et avec un petit caractère quand on le pousse. 

    Il a gagné en rondeur et en douceur à bas régime depuis le temps. Il ne « cogne » pas à l’approche des 2000 tr/min en 4e. L’embrayage assisté est souple et la boite de vitesse est précise, elle accroche très peu contrairement aux anciennes générations. Le moteur se gère avec précision à la poignée et il dispose toujours d’un peu de reprise, quel que soit le régime moteur, même bridé. En ville, la moto est agréable et docile.

    Je remets du gaz pour continuer l’analyse. Le moteur conserve le même caractère enjoué que la version de base. Il se met à grogner, certains n’apprécieront pas beaucoup ce « bruit de 2CV énervée » mais quand la boite à air se remplit, il gagne en profondeur, un peu rauque et donne envie de continuer à monter dans les tours. Les vibrations que j’ai perçues à mi-régime sur la Z650 « sugomi » se font beaucoup moins sentir, une question d’assemblage surement.

    64 Nm de couple à 6 700 tr/min, l’accélération est linéaire sans être lisse. Il a son petit punch dès que l’on passe dans les mi-régimes. Et vous aurez accompli tout ce que vous vouliez, y compris un excès de vitesse fatal à votre permis, avant d’atteindre les limites du bridage vers les 8 000 tr/min. La full ne serait pas allée beaucoup plus loin.

    Et le bridage ? L’avis de Hamdi !

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    Hamdi, c’est le talentueux photographe qui s’est occupé de mettre en image cet essai. Il avait essayé la version « full » lors de sa présentation et vous pouvez retrouver son essai sur le site 4h10. Du coup, j’ai demandé à Hamdi son avis pour comparer avec la version bridée :

    « Me voici de retour à son guidon pour de vous donner un avis sur le bridage, le plus objectif qu’il soit. Aux premiers tours de roues, des souvenirs de mon essai ressurgissent et je retrouve cette moto comme si je ne l’avais jamais quitté ; un freinage efficace, une finesse et une légèreté évidente, les courbe s’enchaînent aisément malgré une route un peu grasse et quelques retenues de ma part. C’est une moto vraiment abordable par son aisance d’utilisation.

    Habitué des bicylindres coupleux à bas régime (je roule en Triumph Scrambler 1200 quotidiennement), je ne suis pas surpris par la réactivité et la souplesse de celui-ci, cependant, j’en atteins vite les limites. Eh oui, la zone étant à 10 000 tours, c’est assez alléchant, mais inutile de vous y attarder, car cela n’a que très peu d’utilité sur cette version de 47 chevaux. Rassurez-vous, on s’y amuse entre 4 000 et 6 000, comme avec la version full, la différence est alors à peine perceptible pour ma part. Je me surprends même à des franches accélérations sur les 3 premiers rapports, plus haut et vous serez déjà hors la loi. 

    En considérant que cette version A2 s’adresse principalement à des pilotes débutant(e)s, il y a tout ce qu’il faut pour prendre du plaisir et parfaire sa technique de conduite. Bonus : le style néo-rétro de cette Z650 RS fait tourner quelques têtes ! ».

    Point Moto&Motards enfin atteint sur ce site : Hamdi précise qu’il lève en première et seconde en version bridée. Mais pas en troisième comme la full. Promis, j’appelle Stéphane Lacaze bientôt pour prendre des cours.

    Conclusion

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com

    La Z650 RS, c’est un peu une “punk” chez les néo-rétro. La W800 est très classique, la Bonneville porte le poids de son élégance, la Guzzi, une Italienne ensuquée qui sort de la plage et la Royal Enfield Interceptor, une Indienne flegmatique. 

    La Z650RS, c’est une Japonaise qui acceptera d’aller arsouiller un peu pour passer l’après-midi avant de rentrer et prendre un verre à la terrasse d’un bistro branché, sans choquer vos copains habillés en Barbour.

    Une vraie moto valorisante pour les A2 qui veulent avoir une bonne gueule sans renoncer à l’apprentissage du pilotage. Un peu moins de caractère, d’ambiance sonore et de vibrations qu’une W800 mais moins chère et plus polyvalente. Un « daily » élégant qui rappelle une certaine Zephyr, qui existait dans les années 90.

    Les plus nostalgiques seront titillés et heureux de cet hommage, les plus jeunes découvriront ainsi les codes esthétiques des 70s, et c’est tant mieux ! D’ailleurs, quitte à acheter une néo-rétro, prenez le vert Kawa ! 

    Prix : à partir de 8 299 euros. Car oui, la classe vintage, c’est 1000 euros de plus que le style sugomi. Et pour le vert Kawa, qui s’appelle en réalité vert Candy Emerald, c’est 8 499 euros

    La concurrence

    © Hamdi Ben Lagha – A2Riders.com
    • Triumph Trident 660 : un roadster au style néo-rétro qui ne renonce pas au côté sportif de la moto. L’Anglaise est bien équipée et gagnera 10 ch de plus au débridage que la Japonaise. À partir de  8 345,00 €, elle en fera hésiter plus d’un(e).
    • Royal Enfield Interceptor : peut être la concurrente la plus dangereuse, même si plus calme.  Mais à partir de 5 457 €, c’est la classe à pas cher pour une excellente moto.
    • Yamaha XSR 700 : la numéro un du segment, très prisée des débutants avec son moteur CP2. C’est une MT-07 qui adopte les codes esthétiques néo-rétro. 7 999 euros prix de départ.
    • Ducati Scrambler 800 : même si elle est bien plus chère (à partir de 11 590 €) que la Kawa, la petite Ducati propose un style vintage et un vrai caractère joueur. Surtout que les Italiens ont sorti cette année une version « urban motard » avec des pneus pour mieux accrocher l’asphalte façon super motard, enfin presque.
    • La Suzuki SV 650  : est devenue une néo-rétro malgré elle. Bah oui : un phare rond, un cadre treillis et un bicylindre en V, on est dedans non ? En plus, elle n’évolue plus vraiment depuis quelques années. À partir de 6 999 €
    • Et pourquoi pas une CF-Moto CLX Heritage ? La Chinoise a des arguments intéressants et un prix attractif : 6 990 € prix de départ. En plus, c’est le moteur ER-6 (encore lui !) un peu gonflé et avec un ride-by-wire. Par contre, elle ne raconte aucune histoire. Ce n’est pas très rétro ça !

    J’ai aimé :

    • Belle !
    • Facile et joueuse
    • Valorisante

    J’ai moins aimé :

    • Suspensions toujours un peu trop souples pour moi
    • Pneus de première monte très moyens
    • Réservoir plus petit (12L) que la version normale
    • La rendre à M. Kawasaki

    Fiche technique ici

    Équipements de Julien (1,82 m – 80 kg) 

    Dites-moi en commentaire si vous avez des questions auxquels je n’ai pas répondu sur cette moto !

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